Développer sans abimer

Bernard Lédéa Ouédraogo est né en 1930 à Gourcy, petite ville du Yatenga. Après de solides études primaires et secondaires à Ouaygouya il entreprend un doctorat en Sorbonne qu'il soutient brillamment en 1977.

Ses études terminées, en 1949, il devient instituteur puis directeur d'école où ses talents de leader et d'entraîneur l'amènent aux échelons supérieurs de la fonction publique.

Il se tourne enfin vers l'agriculture mais rapidement découvre qu'il ne pouvait pas aider les agriculteurs et les groupes de villages comme il l'aurait voulu et cherche à comprendre pourquoi.

Après avoir, très tôt dans sa carrière, remarqué que les coopératives étaient mal acceptées des masses paysannes, Bernard Lédéa Ouedraogo recherche la meilleure manière de stimuler la participation des paysans à leur propre développement. Il prend conscience que, dans sa propre société Mossi, a existé un groupe traditionnel appelé "KombiNaam", qui rassemblait des jeunes gens et des jeunesfemmes du village pour différentes activités agricoles, culturelles et sociales. Au cours des années, et en collaboration étroite avec les villageois, la structure traditionnelle du "KombiNaam" a été modernisée en sorte que les groupes s'ouvrent à tous et à toutes. C'est un exemple pilote de transformation réussie des structures traditionnelles de village dans une perspective dynamique de développement.

Sa première interrogation : quelque chose a-t-il existé dans la société traditionnelle Mossi qui rassemblait les habitants des villages. "Nous avons entrepris une étude complète de l'organisation sociale des villages,de leurs structures économiques,  les leaders, les structures sociales, et nous avons découvert  le KombiNaam, un regroupement traditionnel  des jeunes des village ayant des caractéristiques coopératives très fortement développées. Nous avons décidé que nous essayerions de travailler selon les structures des Naam."

Le résultat : une initiative unique en Afrique. En dépit de nombreuses difficultés, les groupements Naam ont prospérés. En 1978 on dénombrait plus de deux mille cinq cents groupes dans la province de Yatenga comprenant cent soixante mille membres. Vingt ans plus tard on atteint six mille quatre cent quatre vingt groupes et trois cent mille adhérents sur l'ensemble du Burkina Faso dont une moitié de groupements de femmes.

La reprise, par Bernard Lédéa, des groupements traditionnels KombiNaam dans les structures sociales modernes était un brillant exercice pratique de sociologie . Il donne quatre raisons de leur succès :

- conduite et activité locales dynamiques ;
- respect des valeurs traditionnelles;
- proscription de toute discrimination sociale, ethnique, politique ou religieuse ;
- le groupe est générateur de motivation.

En 1976 Bernard Lédéa fonde, avec le français Bernard Lecomte, expert en développement, l'association Six S (Se Servir de la Saison Sèche en Savane et au Sahel), devenant deux ans plus tard son directeur exécutif. Tandis que le Naam est un mouvement populaire, les Six S est une organisation non gouvernementale ayant pour vocation de lever les trois principaux obstacles à la mobilisation paysanne :

- le manque de savoir-faire technique pour faire face à la sécheresse et à la désertification ;
- le manque de qualifications pour traiter et négocier avec les agences gouvernementales d'aide au développement ;
- le manque de fonds pour mettre en application les petits projets.

Au milieu des années 1990, Bernard Lédéa est élu maire de Ouahigouya puis député, en 2003.