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De nos jours, en Afrique, des paysans et des paysannes constituent librement entre eux des groupements pour leur auto-développement.
Parmi ces nombreuses associations, la Fédération Nationale des Groupements Naam se distingue nettement de par son envergure, sa philosophie, ses principes et ses méthodes. Créée en 1967 et reconnue comme ONG en 1978 par récépissé N° 1231S/DGI du 01/09/1978, elle est l'une des plus importantes organisations paysannes de l'Afrique de l'Ouest. Elle compte 85 unions réparties dans 11 inter-unions avec 5 260 groupements de base et 653931 membres.

I  - GENESE DES GROUPEMENTS NAAM
Le Groupement Naam, association de développement de type précoopératif, est une transformation qualitative d'une association traditionnelle communautaire de jeunes : le KombiNaam ou "pouvoir des jeunes" .
Les jeunes d'un même village ou d'un quartier (20 à 25 ans pour les garçons, 15 à 20 ans pour les filles), se mettent d'accord pour organiser le Kombi-Naam, en général pendant la saison des pluies. Ils y participent sans aucune discrimination. Les individus adhèrent sur un même pied d'égalité. Ils sont tous éligibles aux postes de responsabilités. Ni la fortune, ni la naissance, ni le sexe n'interviennent dans les élections. Seuls comptent le caractère, le tempérament, l'esprit de sociabilité et la compétence technique du candidat.
La solidarité économique et sociale, la régulation des statuts sociaux, la loyauté dans le comportement communautaire, l'abnégation font l'essence de l'Association. Elle est une initiative spontanée et conçue en dehors de toute intervention extérieure. Les responsabilités sont attribuées de manière démocratique.
Les principales activités du Kombi-Naam traditionnel consistent à travailler dans les champs des villageois demandeurs de service, contre rémunération après les récoltes. Ces produits sont utilisés à la fin des récoltes pour organiser des soirées récréatives.
Les Groupements Naam actuels initiés par un formateur paysan Bernard Lédéa OUEDRAOGO depuis 1967, sont une transformation du Kombi-Naam. L'enjeu consiste à faire évoluer l'organisation traditionnelle vers des formes associatives modernes pour répondre aux exigences des changements. II s'agit de mettre en place une organisation basée sur une plus grande rationalité dégageant des excédents de ressources pour insuffler un développement durable.

II - STRUCTURES ET FONCTIONNEMENT
Aujourd'hui, les Naam sont regroupés au sein d'une grande fédération de 5 260 groupements répartis sur 85 départements du Faso dans 1 800 villages. Ils disposent de :
2.1. Au niveau village:
Le village ou quartier peut former ses groupements de base. Chaque groupement est composé de 50 membres au minimum, dirigé par un comité de gestion de 5 membres élus et jouant le rôle de bureau exécutif.
S'il y a plusieurs groupements dans le village, ils élisent, au cours d'une assemblée générale,  un bureau appelé comité de coordination des activités des Groupements Naam du village. Ce comité sert de courroie de transmission entre les groupements et les structures soeurs.
2.2. Au niveau département :
L'ensemble des groupements des villages forme une union de groupements Naam, avec un bureau exécutif composé de 12 membres dont 6 femmes et 6 hommes. L'ensemble des animateurs endogènes des villages forment un bureau de Comité d'animation technique
2.3. Au niveau provincial :
Les unions des groupements d'une même province forment une inter-union dirigée par un bureau composé de 4 membres : un responsable de l'inter-union, un secrétaire général, une animatrice, un responsable de la formation en gestion. Mais il faut souligner qu'une interunion peut aussi regrouper les unions de quelques provinces, tout comme une province peut comporter plus d'une inter-union. Le seul critère du regroupement tient compte de la configuration géo-culturelle.
2.4. Au niveau national :
L'ensemble des unions des groupements Naam forme au niveau national, la Fédération Nationale des Groupements Naam (FNGN). La FNGN est reconnue comme ONG à but non lucratif, non confessionnelle et apolitique. Son siège est à Ouahigouya. La Fédération regroupe 85 unions réparties dans 28 provinces sur les 45 que compte le Burkina Faso.
La fédération est gérée par un bureau exécutif de 17 personnes dont six femmes élues en assemblée générale. Elle s'est dotée d'unités d'appui technique regroupées autour de la direction administrative. Ce sont :
- Le Bureau Exécutif
La Direction de la formation regroupe
L'unité d'appui en alphabétisation
Le Centre de formation et de production de Basnéré (CFPB)
Le Centre de formation et de recherche paysannes (CIFER/BLO)
La Cellule Communication La Radio « La Voix du Paysan »
La Direction de la Promotion Féminine
L'Unité d'appui Suivi-Evaluation-Prévision (SEP)
L'Unité d'appui Baoré-Tradition d'épargne et de crédit (BTEC)
L'Unité d'appui Agro-économique (UAE)
L'Unité d'appui sécurité alimentaire (GSA)
L'Unité d'appui Agro-foresterie (CES-AGF)
L'Unité d'appui Hydraulique L'Unité d'appui animation Commerciale CAC.
Les Unités d'appui travaillent à la demande des groupements. Elles assurent la formation, le suivi et l'évaluation des activités. Elles ont pour tâches principales :
- d'aider les groupements à déterminer leurs besoins et leurs priorités au moyen de l'animation et de la formation ;
- de rassembler les demandes et les besoins des groupements et d'en faire un document de programme ;
- d'établir avec les groupements des programmes d'activités.
Les Unités d'appui sont formées d'un ou de plusieurs responsables techniques compétents et capables d'assurer la formation des responsables ou techniciens paysans. Ce sont des sociologues, ingénieurs agronomes, hydrauliciens, géographes, formateurs économistes, gestionnaires et des hommes de terrain disposés à travailler avec des paysans dans un esprit de complémentarité, tenant compte du savoir et de l'expérience paysanne.
Des Unités d'appui sont également sollicitées par des organismes publics et des ONG pour offrir des prestations de service : étude, formation, évaluation.

III - PRINCIPES DU GROUPEMENT NAAM
Le résultat obtenu en trois décennies après leur création est le fruit d'un travail reposant sur une philosophie, un objectif et une méthode d'animation appropriée.

3.1. Philosophie: «Développer sans abîmer»
QUOI ? notre culture et la nature.
La culture constitue l'élément central de l'identité de chaque société. Dans ce creuset, la société tire ses forces de conservation ou de changements au gré de ses choix et en fonction de ses valeurs. Les facteurs de motivation, les ressources psychologiques et la force de mobilisation tiennent de l'adéquation ou de la convergence des objectifs de développement avec la configuration culturelle de la société.
«Développer sans abîmer», c'est d'abord reconnaître à chaque société une identité propre et le droit à la préserver et l'enrichir à partir d'options (objectifs et stratégies) qu'elle aura définies.
Le principe suppose donc que le développement n'est possible et maîtrisable que s'il s'effectue à partir des valeurs et pratiques connues et acceptées par la société et non en rupture avec elle.
Enfin, «développer sans abîmer» , c'est appuyer un processus de développement conçu, voulu et réalisé par une communauté, un groupe social précis dans le respect de l'environnement humain et physique.

3.2. Objectif : Responsabilisation :
Conséquemment à leur philosophie, les Naam ont un seul objectif : responsabiliser le groupe de ses problèmes et l'amener à les prendre en charge. II s'agit donc de rendre le groupe auteur et acteur de ses projets dans l'optique de ses propres valeurs et potentialités.
Lorsqu'un groupe conscient de son identité et de ses valeurs et ayant des options claires, identifie ses difficultés, il s'engage à les résoudre. II cherche dans le creuset de son expérience des solutions possibles et adéquates. II fait des efforts pour élaborer des plans d'action, s'organise et en cherche les ressources nécessaires. Une dynamique entraînant des changements économiques, sociaux et culturels sans altération et violence est ainsi déclenchée.
Au sein des Naam, des communautés villageoises responsabilisées ont pu initier et réaliser de grandes retenues d'eau, récupérer des centaines d'hectares de terrain dégradé en construisant des diguettes. Elles ont su mettre en place des structures leur permettant de se mobiliser en permanence, d'exécuter et de suivre ces activités.

3.3. Méthode d'animation :
Fondée sur le principe philosophique et l'objectif des Naam, la méthode consiste à animer les groupes à partir de
    - ce qu'ils sont : de leur nature,
    - ce qu'ils savent : de leur savoir,
    - ce qu'ils vivent : de leur culture,
    - ce qu'ils savent faire : des technologies qu'ils maîtrisent,
    - ce qu'ils veulent : de leurs aspirations.
Il s'agit d'appuyer le groupe en utilisant son langage, sa perception des choses, ses croyances ses technologies, sa compréhension de l'environnement humain et physique.

IV- ACTIVITES :
Les activités menées par les groupements Naam sur le terrain concourent à atteindre les finalités suivantes poursuivies par l'Association
la sécurité individuelle et collective
la solidarité économique et sociale
l'émergence paysanne.
Pour ce faire, les principaux problèmes à résoudre sont:
l'autosuffisance alimentaire
la maîtrise de l'environnement
les défis de la mondialisation.
Quatre domaines regroupent les activités

4.1. La Formation
Elle est au sein des Naam la pierre angulaire qui permet la réalisation des initiatives/activités de développement. Elle permet de donner au milieu lui-même les compétences nécessaires pour faire face à ses propres problèmes et se prendre efficacement en charge. Elle est transversale. La formation privilégiée est « la formation demandée ».

4.3. Les activités économiques
4.3.1. La production maraîchère
Elle est principalement une activité de contre saison développée dans des périmètres aménagés autour des retenues d'eau (barrage, bullis) ou des puits. La production est auto-consommée et vendue localement ou exportée dans les centres urbains ou dans des pays limitrophes (Ghana, Côte-d'Ivoire). Les principales productions sont le choux, la tomate, l'oignon, la pomme de terre. La plus importante est la pomme de terre. Les unions du "Visage Espoir Maraîchage en zone partiellement sèche" produisent plus de 45 % de la production nationale de pomme de terre.
4.3.2. L'embouche ovine
Elle est surtout pratiquée par les femmes à travers leurs groupements. L'activité qui consiste à engraisser en très peu de temps 1 à 2 moutons est maîtrisée par les femmes. La vente des moutons leur procurent des bénéfices. Les moutons sont vendus à des bouchers ou à des exportateurs.
4.3.3. La commercialisation
La FNGN a mis en place un Comité d'animation commerciale chargé de la commercialisation (C.A.C) des productions des groupements. Cette structure est chargée de la recherche de marché et de l'information des producteurs sur les évolutions et les exigences des marchés visés, sur l'état de la concurrence nationale et extérieure.
Le CAC commercialise les semences, les productions maraîchères (pommes de terre, oignons), les fruits et légumes (bananes), les produits d'élevage.

4.3.4. Les greniers de sécurité alimentaire (ou banques de céréales)
Ils interviennent dans le domaine de la commercialisation des céréales et autres produits alimentaires pour assurer la sécurité alimentaire. Approvisionnement, constitution de stock et commercialisation sont les principales activités.
4.3.5. Les moulins
Tout en poursuivant de but d'allèger le travail des femmes, les moulins procurent des revenus substantiels pour l'amélioration des conditions des groupements féminins qui ont en charge leur gestion dans les unions où ils sont implantées. Quatre vingt dix moulins sont implantés.
4.3.6. Les banques traditionnelles d'épargne et de crédit (BTEC)
Ce sont des outils financiers mis à la disposition des groupements pour le financement partiel ou intégral des activités de développement. La FNGN dispose actuellement de dix sept BTEC.

4.3.7. Le Centre de formation et de production de Basnéré
II a été créé en 1987 pour répondre aux besoins de formation et de production adaptés aux attentes exprimées des groupements.
Le centre regroupe en son sein les unités économiques suivantes
Chaque unité est gérée par un responsable secondé d'un comité de gestion sous la supervision du directeur du centre. Le centre de Basnéré est un centre de créativité, d'inventivité et d'innovation. II est financièrement autonome. En effet, il génère des revenus lui permettant non seulement de couvrir ses coûts de production/fonctionnement (matières premières, téléphone, rémunération, CNSS, etc.), mais aussi de contribuer aux frais de fonctionnement du siège et de la fédération.

4.3.8. Le centre international de formation et de recherche paysanne
Le centre est constitué d'infrastructures d'accueil, de formation et de restauration. II est régulièrement sollicité pour abriter des séminaires, des colloques, des conférences, des formations, des manifestations sportives et culturelles.
La capacité globale du volet hébergement est de 132 lits dont 88 en dortoirs et 44 en chambres ventilées ou climatisées. Le centre est financièrement autonome et fait des bénéfices. II participe activement à toutes les activités des Groupements Naam en apportant sa contribution pour l'hébergement, la mise à disposition des salles de travail et quelques fois la restauration.
Individuelles ou collectives, les activités menées concourent à la limitation de la dépendance financière des groupements, des unions et de leur fédération vis-à-vis de l'extérieur. Elles relèvent  des domaines suivants

4.4. Les activités sociales
Même si les activités prennent de plus en plus de l'importance, il n'en demeure pas moins que les activités sociales continuent d'occuper une place de choix au sein de la FNGN. Ces activités relèvent de plusieurs domaines :
- la santé maternelle et infantile
- les centres nutritionnels
- la lutte contre les pratiques traditionnelles désuètes ; excision, lévirat, etc. la pharmacopée        (implantation de jardins de plantes médicinales)
- la lutte contre le SIDA
- la promotion de l'art et de la culture l'alphabétisation.
Ces thèmes sont approchés à travers des animations dans les villages ou la radio de la FNGN «La Voix du paysan» .

V- RESEAU DE COOPÉRATION
La FNGN compte plusieurs partenaires au niveau national et international.
Au niveau national
La FNGN entretient des contacts réguliers avec les autorités publiques du pays par
l'intermédiaire du BSONG (Bureau de Suivi des ONG) qui dépend du Ministère des Affaires
Étrangères et de la Coopération est également membre du SPONG (Secrétariat Permanent des Organisations Non Gouvernementales). Elle travaille avec les organismes d'Etat tels l'INRA (Institut national de la Recherche Agronomique), les Ministères et leurs démembrements oeuvrant dans le cadre du développement. La FNGN est régulièrement conviée aux grandes instances nationales de réflexion sur les questions de développement du monde rural.

CONCLUSION
A la FNGN, l'intéressé conçoit son projet, en propose les moyens, les méthodes et le programme d'exécution à la mesure de ses possibilités. Ces propositions sont analysées et amendées par des techniciens-animateurs.
L'Association aide à la formation des techniciens conséquents et apporte les outils auxquels le paysan n'a pas accès.
C'est un appui qui libère et ne domine pas, qui responsabilise et ne désorganise pas. La FNGN responsabilise plutôt l'intéressé et s'identifie à lui, crée une osmose culturelle à partir de laquelle on réalise, par la maïeutique une sorte de dénominateur commun: l'amitié claire et transparente entre les deux partenaires.
Notre option fondamentale fait dire que le développement dans le sens plein du mot appelle la responsabilisation du citoyen de ses propres problèmes. Le décollage économique et social du Sud est à ce prix, uniquement à ce prix.

Le Groupement Naam est un outil de recherche qui permet la mise en place dans la société burkinabé

- d'un contre-pouvoir (refus des abus de la minorité privilégiée), pauvres, femmes et hommes. La discrimination y est absolument interdite ;
- d'une démocratie réelle qui enseigne le partage et le travail collectif, la participation de tous aux investissements communautaires, le respect de l'autre, etc.
- des activités organisées et fonctionnelles ;
- le développement humain par l'éducation du coeur et la formation éthique. Pour ce faire, il faut vivre près des gens et rester à l'écoute, sentir leurs besoins, leurs difficultés, prendre en compte leurs aspirations, respecter leur tempérament et leurs ambitions, parler leur langage afin de les sécuriser pour que les messages féconds passent.